Aujourd’hui, Suzanne Roy, ministre de la Famille, vient de présenter ses takes sur le comité de sages sur l’identité de genre — un comité créé à la suite de paniques morales anti-trans, afin d’analyser le sujet des personnes trans, sans personnes trans. Au menu: remise en question des standards de soin de la WPATH, remise en question de la science, et place pleine à la désinformation anti-trans, et surtout, les propos relayés par les groupes TERF québécois. Un très mauvais signe — moins pire que l’Alberta, mais néanmoins effrayant — pour qu’est-ce qui s’en vient pour les droits des personnes trans au Québec.
Rappelons-nous le contexte dudit comité de sages. Un rapport rédigé sans le nom des personnes impliquées, anonymisée afin de donner poids égal entre personnes trans et groupes voulant chercher leur extermination. Cette approche est appelée «pertinente, oui, de nuancée, mais surtout, sans biais». Parce que les personnes trans, et les expert·es travaillant avec les personnes trans, sont, selon le gouvernement du Québec, intrinsèquement biaisées. C’est un rejet total, par ce même gouvernement, de l’autodétermination des personnes trans. C’est de mettre l’ensemble des personnes trans sous tutelle, comme les femmes en 1950. Face à ça, je ne peux que dire: honte.
D’emblée, Suzanne Roy parle du rôle des parents dans la transition de leurs enfants — sans mention du principe phare du meilleur intérêt de l’enfant, néanmoins prônée dans le rapport dudit comité de sages, et mentionne vouloir maximiser le rôle des parents dans ces transitions. La communauté trans se retrouve, trop souvent, à la première ligne du rejet et l’exclusion par nos parents. Nous nous trouvons trop souvent mis·es à la rue par le fait même d’être trans. Ce n’est pas l’exception, mais trop souvent, la règle — et tant et aussi longtemps que la transphobie existe, l’État ne devrait pas tenter d’imposer un rôle arbitraire aux parents. Les jeunes trans n’appartiennent pas à leurs parents, mais plutôt, à iels-mêmes.
Encore plus effrayant: Suzanne Roy accepte librement le paradigme utilisé par le comité de sages, en ce que les droits des femmes et ceux des personnes trans sont, par définition, opposées les unes les autres. Un point pris directement de la main de groupes anti-trans tel que PDF-Québec, ainsi que le mouvement international anti-trans. Elle mentionne «il y en a deux sexes, hommes et femmes, deux sexes biologiques, et il y a le genre», transposant la notion de «sexe assignée à la naissance» à «sexe biologique». C’est de la pure transphobie, rendue légitime par l’action de gouvernements ailleurs dans le monde, et maintenant, la CAQ.
Finalement, il y a remise en question du consensus scientifique qui existe déjà au sujet des standards de soin pour les personnes trans. Mme Roy conclut qu’il n’existe carrément pas de consensus scientifique aux sujets desdits soins. Un rejet total de la vérité, au profit de la désinformation propagée par les groupes anti-trans. Dans un acte de gaspillage continude fonds publics, elle mentionne vouloir maintenant mandater l’INESSS et l’INSPQ — des organismes publics en santé et services sociaux — à encore davantage étudier ces soins. Ce, malgré le fait qu’un consensus scientifique existe déjà: c’est les standards de soin de la WPATH.
Notons en surplus que Suzanne Roy s’insurge contre le consentement éclairé, notamment faisant allusion à l’épisode de désinformation anti-trans Trans express, et dit vouloir mettre fin à «la prescription en quinze minutes». Encore une fois, on revient à ce paradigme central, qui paraît clairement tant avant, pendant, et après le mandat dudit comité de sages: que le gouvernement serait mieux placé que les personnes trans pour trancher sur les enjeux touchant (souvent exclusivement) les personnes trans. Bref, une tutelle légale, comme comment les femmes se retrouvaient avant 1964 au Québec.
Honte.
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Alors, qu’est-ce qui s’en vient? On ne sait pas. Toutefois, la ministre Roy a promis de transmettre le rapport aux ministères concernées pour qu’elles puissent créer des directives. Par exemple, le Ministère de l’Éducation serait chargé à dresser des directives en matière d’in/exclusion des filles trans dans les sports au niveau récréatif, ainsi que des directives en matière de transition à l’école.
Le rapport du comité de sages a toutefois émis des recommendations qui nécessiteraient une loi pour adopter. Ainsi, je n’exclus pas la possibilité que l’on aurait des lois anti-trans ici au Québec. Je reste à la veille de qu’est-ce qui se passera dans les mois à venir pour les droits des personnes trans au Québec. Le reste, seul le temps va nous le montrer.