Photo of U.S. Capitol being stormed by Trump fanatics on Jan 6 2021.

Personnes trans: Évitez tout voyage non-essentiel aux États-Unis

Ceci est un message à toute personne actuellement située en dehors des États-Unis (et en particulier toute personne trans canadienne): évitez tout voyage non-essentiel aux États-Unis — et ce, peu importe la raison du voyage. Toute personne trans qui a toujours néanmoins besoin de voyager à ou à travers les États-Unis, même pour une escale aérienne, devrait le faire avec des précautions élevées.

De plus, évitez tout voyage en Floride et au Texas. Je n'irai pas davantage dans les détails eu égard à ça, mais la carte des risques qu'a préparé Erin Reed et, quant à la Floride, Equality Florida et la Florida Immigrant Coalition, offrent de bonnes informations sur pourquoi ceci est le cas.

Note that I'm but one person, and I'm not trying to pretend to replace Global Affairs Canada or any government in issuing travel advice. Prenez note que je ne suis qu'une personne, et je ne suis pas en train de prétendre de remplacer Affaires mondiales Canada dans leur rôle de préparation d'avertissements de voyage. Ceci n'est pas un avertissement préparé par un État quelconque. Je ne suis qu'une juriste militante et transféminine voulant que la communauté trans soit davantage en sécurité partout à travers le monde!

DERNIER MIS À JOUR: 5 février 2025. Plus de mises à jour auront lieu selon les développements politiques en l'espèce.

 

Le contexte politique

Les États-Unis sont devenus une juridiction insécuritaire pour les personnes trans. Donald Trump, la même personne qui a banni les personnes trans de l'armée étatsunienne au cours de son premier mandat, a entamé son deuxième mandat en publiant des décrets présidentiels effaçant toute reconnaissance juridique des personnes trans du gouvernement, quelques heures à peine après sa ré-entrée en fonction.

Ses décrets présidentiels, notamment «Défendre les femmes contre l'extrémisme de l'idéologie du genre et rétablir la vérité biologique au sein du gouvernement fédéral» (“Defending Women From Gender Ideology Extremism and Restoring Biological Truth to the Federal Government”), parlent pour eux-mêmes. Reprenant les mots de la journaliste trans états-unienne Erin Reed, ils «visent carrément à démanteler la reconnaissance juridique et sociale des personnes trans à travers les États-Unis» (trad. libre). En tant qu'acte institutionalisé de haine, Trump ne désire aucunement protéger les femmes — après tout, il aime se déclarer responsable pour la mort de Roe v Wade, faisant reculant le droit à l'avortement aux États-Unis de 50 ans. Plutôt, il recherche à utiliser la masse entière de l'administration publique des États-Unis pour éliminer toute reconnaissance des personnes trans, voire même toute connaissance sur elles.

Plus particulièrement, la section 2 du décret codifie les personnes transgenres en imposant une définition binaire du «sexe», défini en fonction des cellules reproductrices qu'une personne produit «à la conception» (une tentative voilée d'accorder la personnalité juridique aux fétus). La section 3(d) du décret exige que les secrétaires d'État et de la sécurité intérieure des États-Unis, ainsi que le directeur de l'Office of Personnel Management, obligent les passeports et autres documents de voyage à refléter le «sexe» de la personne détenteur·rice de ceux-ci, suivant ladite définition. Je ne m'étendrai pas sur l'invalidité de la définition binaire du sexe, car ce sujet a déjà été abordé à de nombreuses reprises par d'autres chercheur·ses, écrivain·es et militant·es trans. Cependant, selon les mots de la secrétaire de presse de la Maison Blanche, en entrevue à Notusy, le passeport étatsunien doit désormais comprendre "le sexe décidé par Dieu à la naissance" de la personne concernée.

L'entrevue ci-mentionnnée laisse entendre que les passeports existants ne seront pas invalidés. Cependant, aucune indication n'a été donnée sur la manière dont tout cela s'appliquera aux personnes trans entrant aux États-Unis. Voici donc ce que je peux dire et ce que je peux supposer à ce stade.

 

Le spéculatif ou, plutôt, l'arbitraire

Aucune source n'existe encore sur ce qu'une personne trans pourrait prévoir à la frontière. Cependant, beaucoup des choses qui arrient en ce moment à l'intérieur des États-Unis risque de s'appliquer aux personnes trans passant à ou à travers les États-Unis. En tout cas, quatre choses sont certaines:

  • Donald Trump, seul, ne peut changer la loi. Diriger par décret n'est pas (encore) possible aux États-Unis, même si celui-ci le désire.
  • Un décret présidentiel sert généralement à interpréter et à enforcer les lois.
  • La légalité desdits décrets sont incertains / en flux.
  • Les tribunaux ne peuvent répondre à des affaires en quelques minutes. Cependant, Trump a déjà nommé un grand nombre de juges qui risquent de statuer en sa faveur durant son premier mandat — incluant sur la Cour suprême des États-Unis.

Les personnes trans seront-elles obligées à se mégenrer pour entrer aux États-Unis? Si le décret ci-mentionné demeure en vigueur, ou est autrement codifié dans la loi (ce que je m'attends à voir arriver très bientôt, en raison des intentions déshumanisantes de Trump à l'égard des personnes trans), probablement oui. Cela affectera probablement davantage les personnes entrant aux États-Unis avec un passeport étatsunien que les personnes entrant aux États-Unis avec un autre passeport, car deux questions sont en jeu ici : comment le décret de Trump affecte les voyageurs en général (incertain), et comment le même décret affecte les détenteur·rices de passeports américains (explicitement visé dans le décret).

Est-ce que les personnes trans risquent de se faire refouler à la frontière par cause de transitude? Impossible à dire (encore), mais c'est une peur réelle et valide. Théoriquement, les É.-U. doit reconnaître le passeport des autres pay — mais il serait difficile de dire comment un agent peut, lui seul, détecter un «passeport trans» à première vue. Néanmoins, toute personne trans ayant un passeport avec la mention du sexe «X» risque, en traversant la frontière des États-Unis, déclarer leur sexe assigné à la naissance (et potentiellement faire preuve de celle-ci par prépondérance des probabilités) et faire face à plus de barrières à la frontière. Toute personne trans qui est non-passing risque de faire face aux mêmes conséquences, mais ceci risque d'être laissé à l'interprétation d'agents individuels de Customs and Border Patrol (CBP).

Les personnes trans risquent également d'être connus de la part de CBP, à cause de l'appareil de surveillance extensif que détient les États-Unis. Sous une inteprétation raisonnable, CBP pourrait forcer des personnes trans à s'automégenrer, voire même signer une déclaration sous serment concernant le sexe à la naissance (similairement à la Floride) sauf si la personne en question a des preuves de, citant Trump, son «sexe assigné par Dieu» ("God-given sex") — et oui, ça inclut les scanners mmWave aux aéroports états-uniens et ceux dans des zones de preclearance (pré-dédouanement).

Ce qui va probablement se passer, du moins à court terme, c'est que les personnes trans seront traitées de manière incohérente aux différentes frontières des États-Unis. Certains agents se montreront respectueux ; cela sera particulièrement vrai pour les voyageur·ses trans passing, ainsi que pour les voyageur·ses trans qui n'ont jamais été connus des autorités étatsuniennes que sous un seul marqueur de genre. Toutefois, étant donné que le même décret accorde une licence de discrimination (et une obligation de discrimination) à l'ensemble de l'appareil gouvernemental étatsunien, les personnes trans confrontées à un traitement irrespectueux et discriminatoire ne disposeront d'aucun recours immédiat. La détention arbitraire pour suspicion de «fraude» - et d'autres violations flagrantes des libertés civiles - est possible.

Pris largement, le gouvernement des États-Unis a une attitude génocidaire et éliminationaliste envers les personnes trans. Pour traduire les mots de mon amie Fae Johnstone dans la Presse canadienne, «nous sommes une communauté qui est sous attaque par des politicien·nes d'extrême-droite qui recherchent désespéramment un bonhomme de paille pour diviser le peuple et d'accorder plus de pouvoir, tout en s'attaquant aux libertés civiles à tous·tes.» Même si pas grand chose n'est connu pour l'instant, un produit de la tactique de choc et effroi au centre des tactiques de l'administration Trump-Musk, la volatilité du droit — et les attaques sur l'État de droit — y sont au centre. Pour cette raison, j'avise que toute personne trans abandonne tout projet de voyage ou transit aux États-Unis.

 

Pour les personnes trans devant toujours voyager aux États-Unis

Voici quelques informations que je peux donner à toute personne trans qui doit toujours voyager aux États-Unis dans les prochains jours, mois, ou années:

Soyez prêt·es à faire face à des changements législatifs ou politiques rapides, incluant des décrets soudains, qui pourraient vous affecter et/ou compromettre votre sécurité. Préparez-vous au pire. Ayez sous la main le numéro d'un·e avocat·e spécialisé·e dans les questions d'immigration aux États-Unis. Vérifiez si vous avez accès à une assurance voyage qui peut couvrir ces problèmes.

Les citoyen·nes étatsunien·nes ou les personnes voyageant sur les documents étatsuniens (tel qu'un visa ou une carte de résidence permanente états-unienne «Green Card») risquent d'être davantage affecté·es qu'un·e simple touriste. Noter que les États-Unis en ce moemnt refuse de fournir des passeports avec des mentions du sexe correctes, et forcent les demandeur·se·s de passeports (par renouvellement ou première-fois) à utiliser leur sexe «assigné par Dieu à la naissance»; les autorités étatsuniennes gardent des traces des anciennes mentions du sexe d'une personne, leur mettant en danger à cet égard. De plus, les autorités étatsuniennes ont déjà confisqué et détruit des documents d'identité, incluant des certificats de naissance et des ordonnances judiciaires, de demandeur·ses de passeport trans; certain·es demandeur·ses ont même été menacé d'arrestation. Tout citoyen·ne états-unien·ne trans devrait éviter de renouveler son passeport états-unien dans la mesure du possible.

Partez du principe que le gouvernement américain, le CBP, la TSA ou d'autres organismes gouvernementaux compétents vous connaissent probablement déjà et pourraient facilement découvrir votre identité trans. Ne sous-estimez pas l'État de surveillance. Le CBP et l'ICE sont également actifs sur une grande partie du territoire américain et risquent de profiler les personnes voyageant ou vivant avec des passeports dits «moins puissants». Note qu'en date du 24 janvier 2025, la TSA a enlevé ses pages portant sur les voyageur·ses trans et non-binaires (page archivé ici); la même chose avait eu lieu avec travel.state.gov (les pages d'«avertissements de voyage» états-unien) le 31 janvier 2025, l'acronyme «LGBTQIA+» ayant été remplacé avec «LGB». Toute protection auparavant accordée à des voyageur·ses trans aux aéroports étatsuniens, même pour du voyage au sein des États-Unis (sans traverser la frontière), devrait être considérée non existante; tout voyageur·se faisant face à de la discrimination anti-trans à un aéroport étatsunien ou à la frontière états-unienne risque de ne pas avoir de recours immédiat.

Votre pays de citoyenneté, même s'il se présente comme «trans-inclusif», peut ne pas être en mesure de vous protéger de la tyrannie gouvernementale américaine anti-trans. Un consulat et/ou une ambassade peut néanmoins intervenir. Vous devriez avoir leur contact à portée de main, juste au cas où.

Les décrets anti-trans de Trump finiront inévitablement par faire l'objet de procédures judiciaires d'injonction (procédures judiciaires visant à empêcher l'entrée en vigueur du décret). Certains d'entre eux pourront être enjoints (bloqués), d'autres non; et certaines injonctions, au moment de l'écriture de la présente traduction, ont déjà été accordées. Dans tous les cas, les choses peuvent être renversées en appel. Cela signifie que l'impact de ces ordonnances — et des procédures judiciaires — sera probablement en flux pendant les prochaines années.

Les États démocrats seront, bien sûr, beaucoup plus sûrs que les États républicains. Les villes ont tendance à être plus sûres que les campagnes. Renseignez-vous sur le degré de protection de l'État ou des États que vous envisagez de visiter à l'égard des personnes trans. La carte de risque anti-trans d'Erin Reed (en anglais) est un bon point de départ.

Essayez d'éviter toutes les salles de bains relevant de la juridiction fédérale américaine (tel que dans les parcs nationaux étatsuniens ou l'aéroport Ronald Reagan), car les interdictions de salles de bains (souvent appliquées par des citoyens transphobes eux-mêmes, dans le cadre de l'hystérie anti-trans qui sévit actuellement aux États-Unis) se répandent à travers le pays. Cependant, si vous avez besoin d'uriner urgemment, faites-le plutôt que de vous exposer à un risque d'infection urinaire!

Les femmes trans, et en particulier les femmes trans racisées, seront probablement les plus touchées par les politiques anti-trans de Trump. C'est particulièrement vrai en matière d'immigration. Dans le discours contemporain de l'extrême droite, l'idée de «protéger les femmes» consiste à trouver une excuse pour attaquer les femmes trans, en niant leur identité (en les qualifiant de «mâles») et en prétendant qu'elles sont des prédatrices (une tactique datant des années 70 pour attaquer les hommes gais).

[Mis à jour le 5 fév. 2025] Un décret de Trump interdisant la participation des femmes trans dans le sport est sur le point d'ordonner au ministère de la sécurité intérieure de «revoir les politiques en matière de visas afin de lutter contre les hommes qui prétendent faussement être des femmes lorsqu'ils entrent aux États-Unis pour participer à des compétitions sportives féminines» (trad. libre) — un langage voilé destiné à cibler les athlètes transféminines. Les athlètes trans non américaines devraient éviter à tout prix de participer à des compétitions aux États-Unis. Quant aux non-athlètes, on ne sait pas si des enquêtes pour fraude peuvent être menées pour avoir déclaré ce que l'administration Trump-Musk considère comme un «sexe incorrect». Il reste à en savoir plus.

La sécurité est relative. Par exemple, une juridiction qui criminalise purement et simplement l'existence des personnes trans est, pour l'instant, moins sûre que les États-Unis. Toutefois, de nombreux pays ailleurs dans le monde - comme le Canada - seront plus sûrs que les États-Unis.

Sachez que si vous êtes détenu·e et amené·e dans un centre de détention ou une prison gérés par le gouvernement fédéral américain pour quelque raison que ce soit - y compris par des agents trop zélés - vous serez jeté·e dans une prison sur la base de votre « sexe » perçu ou réel (défini par décret). Si cela se produit, assurez-vous d'avoir un·e avocat·e et un contact consulaire. Prenez note que le V-coding et la déshumanisation est une pratique standard pour les femmes trans incarcérées; Trump est, en particulier, en train de tenter de soustraire des femmes trans de protections contre le viol, leur exposant à un niveau de risque extrême. Même si, en théorie, les tribunaux peuvent vous aider à défendre vos droits civils, et qu'une affaire a jusqu'à présent abouti à une injonction provisoire, dans le contexte actuel (avec une Cour suprême corrompue aux États-Unis), n'y comptez pas.

Il convient de noter que les installations de prédédouanement (preclearance) américaines peuvent théoriquement être plus sûres que de traverser la frontière terrestre américaine ou de passer par les douanes à l'intérieur des États-Unis. Les personnes canadiennes, en particulier, devraient prioriser l'usage des aéroports YYJ (Victoria), YVR (Vancouver), YYC (Calgary), YEG (Edmonton), YWG (Winnipeg), YYZ (Toronto-Pearson), YOW (Ottawa), YUL (Montréal) et YHZ (Halifax), durant les heures d'ouverture des installations de prédédouanement. Les personnes vivant en, ou transitant à travers l'Europe devraient, dans ce scénario, prioriser passer par les aéroports de SNN (Shannon) ou DUB (Dublin) en Irlande, ou les aéroports canadiens ci-mentionnés, durant lesdites heures. Dans les deux cas, vous pouvez toujours retirer votre demande d'admission aux États-Unis et rester sur le sol canadien ou irlandais et être soumis à la législation canadienne ou irlandaise plutôt qu'à la législation américaine. (Sécurité publique Canada et gov.ie (Irlande, en anglais) ont plus d'informations en la matière).

Enfin, n'oubliez pas que, quoi qu'en dise le gouvernement états-unien, vous existez.

Donnez la priorité à votre sécurité avant tout.

 

Quelques ressources

Voici quelques ressources que je suggère (noter que certains peuvent être pas à jour):