Suzanne Roy, ministre de la famille du Québec, à une conférence de presse portant sur le comité de sages sur l'identité de genre, le 3 juin 2025, à l'Assemblée nationale du Québec.

Conférence de presse à Suzanne Roy, ministre de la Famille du Québec, sur le comité de sages sur l’identité de genre: un développement dangereux pour les droits des personnes trans au Québec

Aujourd’hui, Suzanne Roy, ministre de la Famille, vient de présenter ses takes sur le comité de sages sur l’identité de genre — un comité créé à la suite de paniques morales anti-trans, afin d’analyser le sujet des personnes trans, sans personnes trans. Au menu: remise en question des standards de soin de la WPATH, remise en question de la science, et place pleine à la désinformation anti-trans, et surtout, les propos relayés par les groupes TERF québécois. Un très mauvais signe — moins pire que l’Alberta, mais néanmoins effrayant — pour qu’est-ce qui s’en vient pour les droits des personnes trans au Québec.

Rappelons-nous le contexte dudit comité de sages. Un rapport rédigé sans le nom des personnes impliquées, anonymisée afin de donner poids égal entre personnes trans et groupes voulant chercher leur extermination. Cette approche est appelée «pertinente, oui, de nuancée, mais surtout, sans biais». Parce que les personnes trans, et les expert·es travaillant avec les personnes trans, sont, selon le gouvernement du Québec, intrinsèquement biaisées. C’est un rejet total, par ce même gouvernement, de l’autodétermination des personnes trans. C’est de mettre l’ensemble des personnes trans sous tutelle, comme les femmes en 1950. Face à ça, je ne peux que dire: honte.

D’emblée, Suzanne Roy parle du rôle des parents dans la transition de leurs enfants — sans mention du principe phare du meilleur intérêt de l’enfant, néanmoins prônée dans le rapport dudit comité de sages, et mentionne vouloir maximiser le rôle des parents dans ces transitions. La communauté trans se retrouve, trop souvent, à la première ligne du rejet et l’exclusion par nos parents. Nous nous trouvons trop souvent mis·es à la rue par le fait même d’être trans. Ce n’est pas l’exception, mais trop souvent, la règle — et tant et aussi longtemps que la transphobie existe, l’État ne devrait pas tenter d’imposer un rôle arbitraire aux parents. Les jeunes trans n’appartiennent pas à leurs parents, mais plutôt, à iels-mêmes.

Encore plus effrayant: Suzanne Roy accepte librement le paradigme utilisé par le comité de sages, en ce que les droits des femmes et ceux des personnes trans sont, par définition, opposées les unes les autres. Un point pris directement de la main de groupes anti-trans tel que PDF-Québec, ainsi que le mouvement international anti-trans. Elle mentionne «il y en a deux sexes, hommes et femmes, deux sexes biologiques, et il y a le genre», transposant la notion de «sexe assignée à la naissance» à «sexe biologique». C’est de la pure transphobie, rendue légitime par l’action de gouvernements ailleurs dans le monde, et maintenant, la CAQ.

Finalement, il y a remise en question du consensus scientifique qui existe déjà au sujet des standards de soin pour les personnes trans. Mme Roy conclut qu’il n’existe carrément pas de consensus scientifique aux sujets desdits soins. Un rejet total de la vérité, au profit de la désinformation propagée par les groupes anti-trans. Dans un acte de gaspillage continude fonds publics, elle mentionne vouloir maintenant mandater l’INESSS et l’INSPQ — des organismes publics en santé et services sociaux — à encore davantage étudier ces soins. Ce, malgré le fait qu’un consensus scientifique existe déjà: c’est les standards de soin de la WPATH.

Notons en surplus que Suzanne Roy s’insurge contre le consentement éclairé, notamment faisant allusion à l’épisode de désinformation anti-trans Trans express, et dit vouloir mettre fin à «la prescription en quinze minutes». Encore une fois, on revient à ce paradigme central, qui paraît clairement tant avant, pendant, et après le mandat dudit comité de sages: que le gouvernement serait mieux placé que les personnes trans pour trancher sur les enjeux touchant (souvent exclusivement) les personnes trans. Bref, une tutelle légale, comme comment les femmes se retrouvaient avant 1964 au Québec.

Honte.

* * *

Alors, qu’est-ce qui s’en vient? On ne sait pas. Toutefois, la ministre Roy a promis de transmettre le rapport aux ministères concernées pour qu’elles puissent créer des directives. Par exemple, le Ministère de l’Éducation serait chargé à dresser des directives en matière d’in/exclusion des filles trans dans les sports au niveau récréatif, ainsi que des directives en matière de transition à l’école.

Le rapport du comité de sages a toutefois émis des recommendations qui nécessiteraient une loi pour adopter. Ainsi, je n’exclus pas la possibilité que l’on aurait des lois anti-trans ici au Québec. Je reste à la veille de qu’est-ce qui se passera dans les mois à venir pour les droits des personnes trans au Québec. Le reste, seul le temps va nous le montrer.

Mon résumé-critique initial sur le rapport du comité de sages sur l'identité de genre est disponible sur mon site web.


Le rapport du comité de sages sur l'identité de genre du Québec: un rapport bourré de stéréotypes et de préjugés

Aujourd’hui, le comité de sages sur l’identité de genre vient de présenter, en conférence de presse privée, son rapport: un monolithe d’environ 300 pages écrit sur nous, sans nous.

Même si le rapport ramène bien certains enjeux de la communauté, et contient certaines recommandations positives et (à mon avis) nécessaires à implémenter, il est néanmoins imprégné de stéréotypes profondes sur les personnes trans, surtout les femmes trans, notamment en prétendant, en opposition à la science, que le sexe serait une affaire binaire et immuable.

Voici un résumé dudit rapport, ainsi que mon analyse personnelle!

Résumé du rapport

Introduction et section 1 («L’identité de genre: un phénomène en évolution»)

Même si le comité de sages reconnaît les boulversements en matière des droits des personnes 2ELGBTQ+, celui-ci «compare» les groupes anti-trans à l’autre «extrême»: nous, les personnes trans. Il essaie d’emblée de postuler qu’il n’existe que deux sexes binaires, sans aborder la nature modifiable (et fluide) de celui-ci. Il décrit l’identité de genre, argumentant que ça «vient renforcer les stéréotypes sexistes», un talking point anti-trans fréquent, tout en citant la théorie discréditée de la rapid onset gender dysphoria, argumentant même que la pornographie peut encourager les jeunes filles à transitionner.

Bref, l’on argumente que la théorie de la «contamination sociale» serait une hypothèse légitime à considérer (vol. 1, § 1.2). Fucked up, n'est-ce pas?

La plupart des personnes concernées ici soulèvent l’importance de lutter contre la discrimination, tout en accordant une importance disproportionnée au «sexe biologique». Le Comité de sages a entendu des TERFs qui se disent attirés aux personnes du même sexe uniquement, «qui dénoncent la redéfinition de l’homosexualité» — un autre talking point anti-trans. Le rapport relaye également l’idée de «sex based rights» (droits basés sur le sexe), argumentant un besoin de parler davantage de «sexe biologique», argumentant que l’«l’intersectionnalité portée à l’extrême a pour effet de diluer [la place des femmes]» et de limiter les droits des personnes trans en fonction de ce besoin.

Encore une fois, on ne mentionne pas la nature fluide du sexe: tsé, les hormones, ça change comment ton corps fonctionne!

Le Comité de sages relaye, encore une fois, l’idée anti-trans que la transition s’avère de «l’idéologie», et que l’inclusion des
personnes trans dans les milieux féministes sème la «division». Une sous-section est nommée «La confusion entre sexe et genre dans la langue». C’est des points copie-colle de groupes anti-trans tel que Pour les droits des femmes du Québec, un groupe marginal fondé pour soutenir la «laïcité» et les discours TERF.

On parle encore des «médecins» qui argumentent que leurs propos seraient «transphobes», que nous serions trop militants, que nous traitons les médecins automatiquement de transphobes: encore une fois, davantage du stéréotype que de la réalité.

Pour conclure ce premier chapitre: c’est rempli de stéréotypes de bas en haut, et malheureusement, pourrait être utilisé par le gouvernement pour justifier plus de lois anti-trans, similaires au projet de loi n° 2 (2021).

Section 2 («Droits, discrimination et vie privée»)

Ce chapitre commence en premier avec une revue historique de l’avancée des droits des personnes trans au Québec. Cependant, il présente le «sexe» en tant que motif protégé complètement distinct et indépendent des personnes trans, quand toutefois, le «transsexualisme» fut reconnu partie intégrante dudit motif depuis 1998 (CDPDJ (M.L.) c. Maison des jeunes À-Ma-Baie inc., 1998 CanLII 28). Cette section décrit généralement bien les enjeux de discrimination que subissent les personnes trans au Québec. Cependant, elle revient toujours à mettre en opposition les droits des femmes et ceux des personnes trans — prenant ça comme fait, plutôt qu’un modus operandi pour réimposer la discrimination anti-trans à travers la société. L’on parle également de mettre en opposition l’affichage de l’identité de genre dans la collecte de données vis-à-vis un attachement «au sexe biologique». C’est concernant.

Section 3 («Soins d'affirmation de genre»)

Ce chapitre commence en parlant des standards de soin de la WPATH, mais tout en accordant de la légitimité au fameux Cass Review et d’autres points anti-trans — sans toutefois remettre la question la médecine. Cependant, l’on mise fortement sur la médicalisation de la transition, et sur l’importance d’avoir une équipe multidisciplinaire qui assure un suivi. À mon avis, il y a de bonnes chances que des barrières supplémentaires à la transition médicale soient implémentées, sans toutefois arriver au point d’une interdiction totale (style É.-U./U.K.). Est également rapporté certains points anti-trans, tel que la «mutilation» relative aux chirurgies d’affirmation de genre, ainsi que les enjeux de fertilité, mais d’une manière (à mon avis) davantage scientifique.

À la section 3.3 est discuté certains enjeux relatifs au rôle des professionnel·les de la santé dans la prestation de soins transaffirmatifs. La principale
chose qui m’inquiète, c’est comment l’on distingue «thérapies exploratoires» — “gender exploration therapy”, un autre nom pour les thérapies de conversion, aux thérapies de conversion proprement dit. Rappelons-nous, ces «thérapies» visent souvent à faire «disparaître la transitude» par le simple moyens d’attendre.

La section 3.4.1 discute de l’évaluation des personnes trans mineures. et notamment des divers approches d’«évaluation» de la transitude. Selon le Comité de sages, «un consensus se dégage quant à la nécessité d’une évaluation rigoureuse, menée par du personnel compétent en la matière». La § 3.4.2, quant à elle, prône une implication plus grande des parents quant celle-ci s’avère possible: «le soutien familial demeure un grand facteur de protection».

Le Comité de sages rapporte bien les enjeux que vivent les personnes trans aîné·es. Il affirme également et justement, que «[le soutien des personnes qui détransitionnent] doit s’inscrire dans la continuité des services psychosociaux et médicaux dispensés aux personnes trans».

Il soulève également les enjeux d’accès aux soins transaffirmatifs, notamment en région, et également le besoin criant de former le personnel de la santé — tout en citant Trans Express pour dire qu’il faut plus d’encadrement, rejetant l’approche purement transaffirmative pour plutôt davantage médicaliser ces soins.

Bref, même si le respect de l’identité de genre des patient·es trans est mis d’avant, l’approche prônée par le Comité de sages pourrait néanmoins mener à des listes d’attente plus longues — sauf action de la part des CISSS/CIUSSS et établissements de santé individuels.

Section 4 (éducation à la sexualité; transition sociale à l'école)

Le Comité de sages aborde largement les enjeux relatifs à l’éducation à la sexualité, mais critique l’«amalgame entre les concepts de genre et de sexe» — un talking point anti-trans fréquemment utilisé. Pour citer le rapport: «[la notion de «genre»] doit toutefois être enseignée en concomitance avec celle du sexe en tant que caractéristique biologique et reproductrice constatée à la naissance.» Une invisibilisation, encore une fois, des réalités des personnes trans.

Celui-ci parle également d’uniformiser les approches d’enseignement de l’éducation à la sexualité, tout en retenant l’importance d’aborder l’identité de genre dans lesdits cours.

Il y a du bon — notamment, la position du Comité de sages à «recentrer les contenus sur des valeurs cardinales telles que la tolérance et le respect de la diversité» — mais également du très moins bon, notamment de mettre d’avant certaines revendications de groupes anti-trans.

Le Comité de sages aborde également le sujet de la transition sociale des jeunes trans en milieu scolaire, et également les difficultés que rencontrent les professionnel·les du milieu scolaire à les accompagner. Il mise d’avant sur l’utilisation de plans d’accompagnement, tout en assurant le respect des leurs droits.

Au niveau de l’implication des parents, le rapport mentionne les lois anti-trans de l’Alberta et de la Saskatchewan, tout en mentionnant à tort que ces lois permettent des exceptions au dévoilement forcé de la transidentité des jeunes trans. Toutefois, il revient à revenir sur l’idée phare de l’«intérêt supérieur de l’enfant» — un très bon signe pour leurs droits, mais tout en misant à «inciter l’élève à informer ses parents».

Le rapport mentionne: «[une] clarification législative s’impose et que les changements apportés doivent répondre à la fois aux impératifs de protection de la sécurité physique ou psychologique de l’élève, respecter son autonomie progressive et reconnaître l’importance du soutien parental dans le parcours de transition». L’on présente la possibilité de ne pas informer les parents davantage en tant qu’exception que la règle; que d’inciter l’élève à dévoiler son identité de genre à ses parents serait une obligation, sans toutefois imposer le outing forcé.

Parmi les recommandations mises en place par le Comité de sages, se retrouvent la mise en place de matériaux approuvés (similaire à l’Alberta et la Saskatchewan) en matière d’éducation à la sexualité, sans toutefois déborder dans la sphère de «lois anti-trans» comme je le qualifierai d’habitude.

Est-ce qu’il se peut que le Québec implémente des projets de loi anti-trans à l’instar de l’Alberta et la Saskatchewan à cet égard? Peut-être, vu que le gouvernement peut toujours librement ignorer ce rapport. Je pense cependant que les chances que ceci arrive risque d’être faible.

Section 5 («Espaces réservés et sport»)

Le Comité de sages les espaces non-mixtes, en énonçant que «les vestiaires et les toilettes non mixtes sont divisés selon le sexe». À la lumière des constats bioessentialistes du sexe rapportés à la § 1 du rapport, ceci m’inquiète grandement. L’on parle de «protéger les femmes» en les tenant à part des personnes trans, dans des espaces non-mixtes basées sur le sexe. L’on rapporte les points de groupes de femmes anti-trans, mettant en opposition les droits des femmes aux droits des personnes trans, tout en présentant laisser les femmes trans aller dans les espaces pour femmes comme l’exception, et non la règle.

Pour celui-ci, néanmoins, «l’objectif est clair : offrir un accès à des espaces réservés, adaptés à une société plurielle.» Mais... je dois me questionner sur si l’exclusion, telle que prônée ici, mènera à l’inclusion. Les femmes trans sont des femmes. Les hommes trans sont des hommes. Ceci doit venir en premier.

Le Comité de sages constate qu’à cause de la discrimination anti-trans, les personnes trans s’excluent souvent des services d’hébergement d’urgence, qui s’avèrent genrés. Toutefois, il défend de maintenir des espaces pour femmes, basées sur leur sexe — il retient qu’il faut «à la fois soutenir les centres qui privilégient le maintien d’espaces réservés aux femmes cisgenres et ceux qui tentent d’élargir leur offre aux femmes trans». Separate but equal [«séparé mais égal»], n’est-ce pas?

Est également discuté des enjeux que font face les personnes trans en prison, et affirme leur droit à la dignité, mais avec des bémols. À cet égard, ses recommendations sont similaires aux directives fédérales au sujet des prisonnier·ères trans: une évaluation individualisée (le cas par cas), intégrant un nouvel critère de la «sincérité» de l’identité. Un critère, à mon avis, quand même assez violent.

Sur le sujet des sports, le Comité de sages distingue les sports récréatifs du milieu compétitif, tout en mettant devant l’idée de la
«sécurité» (stéréotypes anti-trans?) et de l’«équité» (que j’arrive davantage à comprendre). L’on parle toutefois d’adopter des «solutions flexibles et adaptées à chaque discipline». L’on encourage également le gouvernement du Québec à introduire des lignes directrices à cet égard. Reste à voir comment c’est implémenté dans la pratique.

Le conclusion du rapport

Le Comité de sages conclut son rapport sur une liste d’«ingrédients à privilégier»: mieux se comprendre, résister à la polarisation, l’approche individualisée, le respect des droits, et la clarté conceptuelle (🚩). Ce dernier m’inquiète grandement, vu qu’encore une fois, l’on essaie de distinguer et d’accorder une importance disproportionnée au «sexe biologique» (à la naissance), ce qui peut bafouer les droits des personnes trans au Québec.

Alors, où sommes-nous?

Il y a du bon dans ce rapport. L’on parle en toute longueur des enjeux que subissent les personnes trans en société. La discrimination est bien discutée. Mais... le mauvais... il est très, très, très mauvais.

Ce rapport reprend bien des points provenant de groupes anti-trans. Ceci est surtout visible dans les aspects «espaces mixtes», où il me semble bien que des groupes TERF ont pu faire paraître leurs voix, réduisant le sexe à un simple concept binaire, constaté à la naissance, et immuable. Le rapport présente bien trop souvent les droits des femmes et des personnes trans en tant que droits opposés (plutôt que symbiotiques).

À mon avis, le tout me mène à croire que ce rapport est, en premier et surtout, transmisogyne et misogyne. Elle essaie de «simplifier» un concept qui ne peut être simplifié de telle manière, séparant les droits (surtout) des femmes trans des autres femmes. C’est, à cet égard, un échec massif.

Alors... est-ce qu’il aura des projets de loi anti-trans bientôt au Québec?

À mon avis, oui.

Le fait même que le rapport fait des recommendations législatives et politiques mène à croire qu’un projet de loi risque d’être déposé — ce, probablement en automne — au sujet des personnes trans.

Les chances que les soins de santé transaffirmatifs soient interdits au Québec sont , à mon avis, quasi nonexistantes. Niveau «outing forcé», je ne pense pas que ce serait probable non plus. Cependant, il se peut que les propos transmisogynes du rapport du Comité de sages reviennent, notamment en créeant une exception à la Charte québécoise permettant à des dérogations au motif protégé de l’identité de genre pour certains espaces jugés devrant être non mixtes (tel que les toilettes, les vestiaires, et les centres d’hébergement) — et, au pire cas, une redéfinition explicite du motif protégé du sexe pour exclure la transitude et la transition dudit motif (renversant un précédent de 1998).

Le futur reste à venir. Mais... entre temps, espérons que les choses ne seront pas trop horribles.

Le rapport peut être lu sur le site web du gouvernement du Québec.

** Mise à jour, 3 juin 2025: Ma réaction à la conférence de presse de la ministre de la famille, Suzanne Roy, sur le comité de sages sur l'identité de genre, est disponible sur mon site web.


Photo of U.S. Capitol being stormed by Trump fanatics on Jan 6 2021.

Personnes trans: Évitez tout voyage non-essentiel aux États-Unis

Ceci est un message à toute personne actuellement située en dehors des États-Unis (et en particulier toute personne trans canadienne): évitez tout voyage non-essentiel aux États-Unis — et ce, peu importe la raison du voyage. Toute personne trans qui a toujours néanmoins besoin de voyager à ou à travers les États-Unis, même pour une escale aérienne, devrait le faire avec des précautions élevées.

De plus, évitez tout voyage en Floride et au Texas. Je n'irai pas davantage dans les détails eu égard à ça, mais la carte des risques qu'a préparé Erin Reed et, quant à la Floride, Equality Florida et la Florida Immigrant Coalition, offrent de bonnes informations sur pourquoi ceci est le cas.

Note that I'm but one person, and I'm not trying to pretend to replace Global Affairs Canada or any government in issuing travel advice. Prenez note que je ne suis qu'une personne, et je ne suis pas en train de prétendre de remplacer Affaires mondiales Canada dans leur rôle de préparation d'avertissements de voyage. Ceci n'est pas un avertissement préparé par un État quelconque. Je ne suis qu'une juriste militante et transféminine voulant que la communauté trans soit davantage en sécurité partout à travers le monde!

DERNIER MIS À JOUR: 5 février 2025. Plus de mises à jour auront lieu selon les développements politiques en l'espèce.

 

Le contexte politique

Les États-Unis sont devenus une juridiction insécuritaire pour les personnes trans. Donald Trump, la même personne qui a banni les personnes trans de l'armée étatsunienne au cours de son premier mandat, a entamé son deuxième mandat en publiant des décrets présidentiels effaçant toute reconnaissance juridique des personnes trans du gouvernement, quelques heures à peine après sa ré-entrée en fonction.

Ses décrets présidentiels, notamment «Défendre les femmes contre l'extrémisme de l'idéologie du genre et rétablir la vérité biologique au sein du gouvernement fédéral» (“Defending Women From Gender Ideology Extremism and Restoring Biological Truth to the Federal Government”), parlent pour eux-mêmes. Reprenant les mots de la journaliste trans états-unienne Erin Reed, ils «visent carrément à démanteler la reconnaissance juridique et sociale des personnes trans à travers les États-Unis» (trad. libre). En tant qu'acte institutionalisé de haine, Trump ne désire aucunement protéger les femmes — après tout, il aime se déclarer responsable pour la mort de Roe v Wade, faisant reculant le droit à l'avortement aux États-Unis de 50 ans. Plutôt, il recherche à utiliser la masse entière de l'administration publique des États-Unis pour éliminer toute reconnaissance des personnes trans, voire même toute connaissance sur elles.

Plus particulièrement, la section 2 du décret codifie les personnes transgenres en imposant une définition binaire du «sexe», défini en fonction des cellules reproductrices qu'une personne produit «à la conception» (une tentative voilée d'accorder la personnalité juridique aux fétus). La section 3(d) du décret exige que les secrétaires d'État et de la sécurité intérieure des États-Unis, ainsi que le directeur de l'Office of Personnel Management, obligent les passeports et autres documents de voyage à refléter le «sexe» de la personne détenteur·rice de ceux-ci, suivant ladite définition. Je ne m'étendrai pas sur l'invalidité de la définition binaire du sexe, car ce sujet a déjà été abordé à de nombreuses reprises par d'autres chercheur·ses, écrivain·es et militant·es trans. Cependant, selon les mots de la secrétaire de presse de la Maison Blanche, en entrevue à Notusy, le passeport étatsunien doit désormais comprendre "le sexe décidé par Dieu à la naissance" de la personne concernée.

L'entrevue ci-mentionnnée laisse entendre que les passeports existants ne seront pas invalidés. Cependant, aucune indication n'a été donnée sur la manière dont tout cela s'appliquera aux personnes trans entrant aux États-Unis. Voici donc ce que je peux dire et ce que je peux supposer à ce stade.

 

Le spéculatif ou, plutôt, l'arbitraire

Aucune source n'existe encore sur ce qu'une personne trans pourrait prévoir à la frontière. Cependant, beaucoup des choses qui arrient en ce moment à l'intérieur des États-Unis risque de s'appliquer aux personnes trans passant à ou à travers les États-Unis. En tout cas, quatre choses sont certaines:

  • Donald Trump, seul, ne peut changer la loi. Diriger par décret n'est pas (encore) possible aux États-Unis, même si celui-ci le désire.
  • Un décret présidentiel sert généralement à interpréter et à enforcer les lois.
  • La légalité desdits décrets sont incertains / en flux.
  • Les tribunaux ne peuvent répondre à des affaires en quelques minutes. Cependant, Trump a déjà nommé un grand nombre de juges qui risquent de statuer en sa faveur durant son premier mandat — incluant sur la Cour suprême des États-Unis.

Les personnes trans seront-elles obligées à se mégenrer pour entrer aux États-Unis? Si le décret ci-mentionné demeure en vigueur, ou est autrement codifié dans la loi (ce que je m'attends à voir arriver très bientôt, en raison des intentions déshumanisantes de Trump à l'égard des personnes trans), probablement oui. Cela affectera probablement davantage les personnes entrant aux États-Unis avec un passeport étatsunien que les personnes entrant aux États-Unis avec un autre passeport, car deux questions sont en jeu ici : comment le décret de Trump affecte les voyageurs en général (incertain), et comment le même décret affecte les détenteur·rices de passeports américains (explicitement visé dans le décret).

Est-ce que les personnes trans risquent de se faire refouler à la frontière par cause de transitude? Impossible à dire (encore), mais c'est une peur réelle et valide. Théoriquement, les É.-U. doit reconnaître le passeport des autres pay — mais il serait difficile de dire comment un agent peut, lui seul, détecter un «passeport trans» à première vue. Néanmoins, toute personne trans ayant un passeport avec la mention du sexe «X» risque, en traversant la frontière des États-Unis, déclarer leur sexe assigné à la naissance (et potentiellement faire preuve de celle-ci par prépondérance des probabilités) et faire face à plus de barrières à la frontière. Toute personne trans qui est non-passing risque de faire face aux mêmes conséquences, mais ceci risque d'être laissé à l'interprétation d'agents individuels de Customs and Border Patrol (CBP).

Les personnes trans risquent également d'être connus de la part de CBP, à cause de l'appareil de surveillance extensif que détient les États-Unis. Sous une inteprétation raisonnable, CBP pourrait forcer des personnes trans à s'automégenrer, voire même signer une déclaration sous serment concernant le sexe à la naissance (similairement à la Floride) sauf si la personne en question a des preuves de, citant Trump, son «sexe assigné par Dieu» ("God-given sex") — et oui, ça inclut les scanners mmWave aux aéroports états-uniens et ceux dans des zones de preclearance (pré-dédouanement).

Ce qui va probablement se passer, du moins à court terme, c'est que les personnes trans seront traitées de manière incohérente aux différentes frontières des États-Unis. Certains agents se montreront respectueux ; cela sera particulièrement vrai pour les voyageur·ses trans passing, ainsi que pour les voyageur·ses trans qui n'ont jamais été connus des autorités étatsuniennes que sous un seul marqueur de genre. Toutefois, étant donné que le même décret accorde une licence de discrimination (et une obligation de discrimination) à l'ensemble de l'appareil gouvernemental étatsunien, les personnes trans confrontées à un traitement irrespectueux et discriminatoire ne disposeront d'aucun recours immédiat. La détention arbitraire pour suspicion de «fraude» - et d'autres violations flagrantes des libertés civiles - est possible.

Pris largement, le gouvernement des États-Unis a une attitude génocidaire et éliminationaliste envers les personnes trans. Pour traduire les mots de mon amie Fae Johnstone dans la Presse canadienne, «nous sommes une communauté qui est sous attaque par des politicien·nes d'extrême-droite qui recherchent désespéramment un bonhomme de paille pour diviser le peuple et d'accorder plus de pouvoir, tout en s'attaquant aux libertés civiles à tous·tes.» Même si pas grand chose n'est connu pour l'instant, un produit de la tactique de choc et effroi au centre des tactiques de l'administration Trump-Musk, la volatilité du droit — et les attaques sur l'État de droit — y sont au centre. Pour cette raison, j'avise que toute personne trans abandonne tout projet de voyage ou transit aux États-Unis.

 

Pour les personnes trans devant toujours voyager aux États-Unis

Voici quelques informations que je peux donner à toute personne trans qui doit toujours voyager aux États-Unis dans les prochains jours, mois, ou années:

Soyez prêt·es à faire face à des changements législatifs ou politiques rapides, incluant des décrets soudains, qui pourraient vous affecter et/ou compromettre votre sécurité. Préparez-vous au pire. Ayez sous la main le numéro d'un·e avocat·e spécialisé·e dans les questions d'immigration aux États-Unis. Vérifiez si vous avez accès à une assurance voyage qui peut couvrir ces problèmes.

Les citoyen·nes étatsunien·nes ou les personnes voyageant sur les documents étatsuniens (tel qu'un visa ou une carte de résidence permanente états-unienne «Green Card») risquent d'être davantage affecté·es qu'un·e simple touriste. Noter que les États-Unis en ce moemnt refuse de fournir des passeports avec des mentions du sexe correctes, et forcent les demandeur·se·s de passeports (par renouvellement ou première-fois) à utiliser leur sexe «assigné par Dieu à la naissance»; les autorités étatsuniennes gardent des traces des anciennes mentions du sexe d'une personne, leur mettant en danger à cet égard. De plus, les autorités étatsuniennes ont déjà confisqué et détruit des documents d'identité, incluant des certificats de naissance et des ordonnances judiciaires, de demandeur·ses de passeport trans; certain·es demandeur·ses ont même été menacé d'arrestation. Tout citoyen·ne états-unien·ne trans devrait éviter de renouveler son passeport états-unien dans la mesure du possible.

Partez du principe que le gouvernement américain, le CBP, la TSA ou d'autres organismes gouvernementaux compétents vous connaissent probablement déjà et pourraient facilement découvrir votre identité trans. Ne sous-estimez pas l'État de surveillance. Le CBP et l'ICE sont également actifs sur une grande partie du territoire américain et risquent de profiler les personnes voyageant ou vivant avec des passeports dits «moins puissants». Note qu'en date du 24 janvier 2025, la TSA a enlevé ses pages portant sur les voyageur·ses trans et non-binaires (page archivé ici); la même chose avait eu lieu avec travel.state.gov (les pages d'«avertissements de voyage» états-unien) le 31 janvier 2025, l'acronyme «LGBTQIA+» ayant été remplacé avec «LGB». Toute protection auparavant accordée à des voyageur·ses trans aux aéroports étatsuniens, même pour du voyage au sein des États-Unis (sans traverser la frontière), devrait être considérée non existante; tout voyageur·se faisant face à de la discrimination anti-trans à un aéroport étatsunien ou à la frontière états-unienne risque de ne pas avoir de recours immédiat.

Votre pays de citoyenneté, même s'il se présente comme «trans-inclusif», peut ne pas être en mesure de vous protéger de la tyrannie gouvernementale américaine anti-trans. Un consulat et/ou une ambassade peut néanmoins intervenir. Vous devriez avoir leur contact à portée de main, juste au cas où.

Les décrets anti-trans de Trump finiront inévitablement par faire l'objet de procédures judiciaires d'injonction (procédures judiciaires visant à empêcher l'entrée en vigueur du décret). Certains d'entre eux pourront être enjoints (bloqués), d'autres non; et certaines injonctions, au moment de l'écriture de la présente traduction, ont déjà été accordées. Dans tous les cas, les choses peuvent être renversées en appel. Cela signifie que l'impact de ces ordonnances — et des procédures judiciaires — sera probablement en flux pendant les prochaines années.

Les États démocrats seront, bien sûr, beaucoup plus sûrs que les États républicains. Les villes ont tendance à être plus sûres que les campagnes. Renseignez-vous sur le degré de protection de l'État ou des États que vous envisagez de visiter à l'égard des personnes trans. La carte de risque anti-trans d'Erin Reed (en anglais) est un bon point de départ.

Essayez d'éviter toutes les salles de bains relevant de la juridiction fédérale américaine (tel que dans les parcs nationaux étatsuniens ou l'aéroport Ronald Reagan), car les interdictions de salles de bains (souvent appliquées par des citoyens transphobes eux-mêmes, dans le cadre de l'hystérie anti-trans qui sévit actuellement aux États-Unis) se répandent à travers le pays. Cependant, si vous avez besoin d'uriner urgemment, faites-le plutôt que de vous exposer à un risque d'infection urinaire!

Les femmes trans, et en particulier les femmes trans racisées, seront probablement les plus touchées par les politiques anti-trans de Trump. C'est particulièrement vrai en matière d'immigration. Dans le discours contemporain de l'extrême droite, l'idée de «protéger les femmes» consiste à trouver une excuse pour attaquer les femmes trans, en niant leur identité (en les qualifiant de «mâles») et en prétendant qu'elles sont des prédatrices (une tactique datant des années 70 pour attaquer les hommes gais).

[Mis à jour le 5 fév. 2025] Un décret de Trump interdisant la participation des femmes trans dans le sport est sur le point d'ordonner au ministère de la sécurité intérieure de «revoir les politiques en matière de visas afin de lutter contre les hommes qui prétendent faussement être des femmes lorsqu'ils entrent aux États-Unis pour participer à des compétitions sportives féminines» (trad. libre) — un langage voilé destiné à cibler les athlètes transféminines. Les athlètes trans non américaines devraient éviter à tout prix de participer à des compétitions aux États-Unis. Quant aux non-athlètes, on ne sait pas si des enquêtes pour fraude peuvent être menées pour avoir déclaré ce que l'administration Trump-Musk considère comme un «sexe incorrect». Il reste à en savoir plus.

La sécurité est relative. Par exemple, une juridiction qui criminalise purement et simplement l'existence des personnes trans est, pour l'instant, moins sûre que les États-Unis. Toutefois, de nombreux pays ailleurs dans le monde - comme le Canada - seront plus sûrs que les États-Unis.

Sachez que si vous êtes détenu·e et amené·e dans un centre de détention ou une prison gérés par le gouvernement fédéral américain pour quelque raison que ce soit - y compris par des agents trop zélés - vous serez jeté·e dans une prison sur la base de votre « sexe » perçu ou réel (défini par décret). Si cela se produit, assurez-vous d'avoir un·e avocat·e et un contact consulaire. Prenez note que le V-coding et la déshumanisation est une pratique standard pour les femmes trans incarcérées; Trump est, en particulier, en train de tenter de soustraire des femmes trans de protections contre le viol, leur exposant à un niveau de risque extrême. Même si, en théorie, les tribunaux peuvent vous aider à défendre vos droits civils, et qu'une affaire a jusqu'à présent abouti à une injonction provisoire, dans le contexte actuel (avec une Cour suprême corrompue aux États-Unis), n'y comptez pas.

Il convient de noter que les installations de prédédouanement (preclearance) américaines peuvent théoriquement être plus sûres que de traverser la frontière terrestre américaine ou de passer par les douanes à l'intérieur des États-Unis. Les personnes canadiennes, en particulier, devraient prioriser l'usage des aéroports YYJ (Victoria), YVR (Vancouver), YYC (Calgary), YEG (Edmonton), YWG (Winnipeg), YYZ (Toronto-Pearson), YOW (Ottawa), YUL (Montréal) et YHZ (Halifax), durant les heures d'ouverture des installations de prédédouanement. Les personnes vivant en, ou transitant à travers l'Europe devraient, dans ce scénario, prioriser passer par les aéroports de SNN (Shannon) ou DUB (Dublin) en Irlande, ou les aéroports canadiens ci-mentionnés, durant lesdites heures. Dans les deux cas, vous pouvez toujours retirer votre demande d'admission aux États-Unis et rester sur le sol canadien ou irlandais et être soumis à la législation canadienne ou irlandaise plutôt qu'à la législation américaine. (Sécurité publique Canada et gov.ie (Irlande, en anglais) ont plus d'informations en la matière).

Enfin, n'oubliez pas que, quoi qu'en dise le gouvernement états-unien, vous existez.

Donnez la priorité à votre sécurité avant tout.

 

Quelques ressources

Voici quelques ressources que je suggère (noter que certains peuvent être pas à jour):